... entre un PAQUEBOT, un PESTICIDE, une CONTREDANSE, une SINECURE et une ANESTHESIE ?
(image pleine d'indices...)
On peut toujours imaginer qu'endormi par l'ingestion accidentelle d'un poison agricole, on plonge dans un rêve agréable où l'on coince la bulle au cours d'une croisière aux joyeuses soirées dansantes...
On peut toujours.
Mais ce n'est point là où la Gazette veut amener son habile Lecteur ! Qu'il regarde, comme un indice, la catégorie dans laquelle est publié cet article. La petite brocante des Mots. Ce serait donc, parions là-dessus, un de ces menus billets "d'étymo-jolie" ?
Oui-da, mes biens chers ! Je viens partager avec vous quelques petites découvertes du soir, rien de bien grandiose, mais des petits étonnements. Car ces mots susnommés, m'est avis, cachent plutôt bien leurs origines... anglaises !
Cela fait si longtemps, sans doute, qu'ils vivent chez nous leur vie bien à leur aise, qu'on le prendrait carrément pour des autochtones, ne trouvez-vous pas ?
Notre paquebot a immigré il y a... quelques siècles. Avant 1700, me dit-on ! " Empr. à l'angl. packet-boat comp.de packet «paquet, plus spéc. ici: paquet du courrier» et boat «bateau» att. dep. 1641 et désignant une embarcation effectuant le transport de courrier (appelée aussi post-bark ou post-boat). L'habitude de prendre des passagers à bord de ces bateaux, notamment sur les lignes régulières comme Calais-Douvres, fit que l'appellation est restée attachée aux navires de transport de passagers "
Fallait juste y penser !
L'anesthésie, employée chez nous sous le sens de « privation ou affaiblissement de la sensibilité » depuis 1771 est "empr. à l'angl. anaesthesia « id. » attesté dep. 1721".
Nos ancêtres des Lumières devaient donc employer déjà ce terme : la mode de l'anglicisme est ancienne, on le sait !
La contredanse, c'est rigolo : ça vient de country dance (attesté dep. 1579 en Albion) , une danse vive et campagnarde, sorte de quadrille anglais, devenue contredanse chez nous, bien avant 1700, et repartie, en 1800 et des miettes, de l'autre côté de la Manche sous la forme "francisée" de contre-dance. Chacun son tour, ça s'en va et ça revient, ça danse, quoi !
La sinécure... les lecteurs assidus (devrais-je dire plutôt les "lectrices"?) de Jane Austen sauront exactement de quoi je veux parler. Dans chacun de ses romans, il y a forcément un clergyman qui vit, bien ou modestement, de sa charge pastorale. Sachant que parfois, on peut avoir une "cure"... sans ouaille. Ben si. Surtout chez les British, apparemment... Le Révérend sans tracas... bénéficie d'une sinécure. "Empr. à l'angl.sinecure désignant à l'orig. un bénéfice ecclésiastique sans charge d'âmes réelle (1662 Sine-Cura, 1672 Sine-cure ds NED) puis, p. ext., toute fonction ou situation assurant un revenu sans tâche ou responsabilité réelle (1676)"
Je vois d'ici de mauvaises langues qui verraient là un synonyme de fonctionnaire. Pfffffffff ;-))
Nous voici arrivés presque au bout de la liste. Que nous reste-t-il ? Ah oui, le vilain pesticide.
Qu'on devrait éviter d'employer, au propre, comme au figuré :-))
Le super dico du CNRTL (ma bible lexicale!) m'explique (il sait tout!) :
"Mot anglais (mil. xxes.) comp. de pest «insecte ou plante nuisible, parasite», lui-même empr. au fr. peste* au xvies., et de -cide, du lat. caedere «frapper, abattre, tuer»."
Et de rajouter, façon José Bové de la linguistique :
"Ce mot en français est mal formé, puisque peste ne signifie pas «parasite» : Le terme de pesticide, d'origine anglo-saxonne, devrait être abandonné au profit de l'expression produit antiparasitaire à usage agricole, utilisée par l'Administration française dans les lois, décrets et arrêtés relatifs à la protection des cultures ".
Et, Madame l'Administration française, INSECTICIDE, comme mot adéquat, ça ne suffirait pas ? ;-))
Sources (sans nitrates) : http://www.cnrtl.fr/ et http://www.slate.fr/story/69533/francais-anglais-angliscismes-franglais