... sans point.
Mon Dieu, mais quelle pagaïe, n’est ce pas ? La pagaïe devient pagaie, et on rame on rame… Pas gai du tout, je vous assure ! Pas de point sur les i, pas de mise au point salutaire, aucun point d’honneur, pas de bon point pour récompenser, pas de point à la ligne, ni final, ni de un point c’est tout ! Comment clouer le bec, sans point(e) ? Adieu le point de côté, qui nous oblige à reprendre notre souffle… et les points noirs sur le nez des ados (ça, bon, on pourrait peut-être s’en passer). Nul point-presse pour acheter son journal, pas de point-info, ni de point-rencontre : la gare devient un désert habité d’errants ne sachant où s’arrêter, où se retrouver… Et les musiciens sans leur point d'orgue ! Ni point de croix, ni point-mousse, ni petit point... Point à l'envers, point à l'endroit : mais que faire de nos jolis petits doigts? Quant aux profs de maths, ils ne seraient pas plus avancés que leurs collègues de lettres : que faire de ces longues droites infinies, et ces graphiques compliqués, si on ne peut les découper et les décorer grâce aux points qu’on y pose ???
Eh bien, lecteurs curieux et adorés, nos chers petits points dont on ne se passerait plus, n’ont pas toujours existé ! enfin, ils ne sont pas nés en même temps que l’écriture, voilà ce que je voulais dire.
Car autrefois (je vous parle d’un temps que les moins de 2500 ans ne peuvent pas connaître), on écrivait SANS POINT. (Mais ça, arrivés à ce point du discours, vous l’aviez peut-être pressenti, non ?) Ou alors, au contraire, on en mettait partout…
Je vous explique, car je vois bien que vous désirez ardemment savoir ce que j’ai à vous apprendre.
On tourne la manivelle à remonter le temps et on s’arrête sans brusquerie, en n’oubliant pas rétrograder, au Ve siècle avant le Petit Jésus, chez les Grecs. Ces gens-là écrivent, ils écrivent même beaucoup et ils réfléchissent énormément. Du coup, les idées s’enchaînent, et les mots aussi, les uns après les autres, aussi fluides que des mots parlés… Au bout d’un moment, dans un souci de clarté, ils décident (les Grecs, pas les mots), qu’il serait bon de mettre un peu d’ordre là-dedans, hein, quand même !!!
On va donc commencer par un premier tri au niveau du paragraphe. Quand on estime qu’on a fini avec une idée (ou une partie de l’idée générale), on trace un trait après le dernier mot. Et on embraye à la suite, sans retour à la ligne.
Oui, parce que, n’est ce pas, la tablette de cire, de pierre, de terre, le papyrus, le parchemin, tout ça, avant le papier, ça coûte trèèèèèèèès cher et ça n’abonde pas. Donc, bien sûr, on économise : on serre les mots, on rentre des lettres dans d’autres, on abrège autant qu’on peut…et ça va durer des siècles, jusqu’à M. Gütenberg cette politique de l’économie, ce développement durable avant l’heure.
Fin de la digression.
Un trait, un paragraphe ; un paragraphe, une idée. Merci les Grecs. Bon début.
Trois siècles (à la louche) passent, et Aristophane de Byzance (un « collègue » à moi, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie en – 195… ;-)) ) invente, dans un souci de clarté, une ponctuation originale à l'aide du POINT (le voilà enfin!!!)
Ala fin d’un groupe de mots, un point « en haut », alias "point parfait", signifiait la pensée parfaite (achevée), soit le rôle de notre « point à la ligne ». Posé à mi-hauteur de la dernière lettre, le « point moyen » marquait une idée en suspens, comme le fait notre actuelle virgule. Enfin, le « sous-point », posé en bas, servait à présenter la démonstration de l’idée : il était l’équivalent de nos deux points.
Vous voyez que tout était inventé…et qu’il n’y avait « plus qu’à »… Mais on a attendu longtemps, puisque c’est avec l’imprimerie que la ponctuation est entrée dans les mœurs, ne stabilisant ses règles qu’au XIXe siècle…
Pour la bonne bouche, je vous donne les noms merveilleux des ancêtres de nos ? et ! ….
Le premier, charmante arabesque, se nommait dans l’Italie du XIVe siècle le « point interrogeant » ou le « point suppliant »… Quant au point d’exclamation, je garde le meilleur pour la fin, il répondait au doux noms de « point admiratif » ou… « point pathétique » !
J’adore !
Point final.
Cet article est écrit grâce au site de l'université de Cergy-Pontoise (des copains de Martial!):
http://www.u-cergy.fr/article42.html