Apprenez, lecteurs adorés, que c'est le propos de mon premier cours de "CDI" avec mes chers petits 6èmes...
Un mien ami, lecteur de la Gazette et néanmoins Elite de la nation, me fit très récemment parvenir par courrier une petite protestation (qui est une sorte d'erreur d'aiguillage, du reste, car je ne suis pas censée m'occuper des réclamations au sujets de trucs qui ne me concernent en rien, mais, bon, passons).
Je vous la livre dès ici, en brut de décoffrage :
A propos d' escroquerie ...
J'ai vu "Entre les murs" d'une part, je trouve que ce petit documentaire dans un collège ne me parait pas valoir une palme d'or... d'autre part PAS DE DOCUMENTALISTE DANS LA SALLE DES PROFS!!!!
Une mini-correspondance s'ensuivit, plus exactement une réponse que je lui fis, et qui donna lieu à un bref va-et-vient épistolaire contenant promesse d'explications plus pointues, ultérieures et de vive voix. Tant d'éminentes réflexions sur un sujet qui m'intéresse et qui n'avait pas encore eu l'honneur de la Gazette ? Je rattrape ici ce manquement sidérant, non sans lancer en pâture une excuse (vraie) : je suis à peu près certaine d'avoir "chroniqué" dans ces colonnes, Entre les murs du temps qu'il n'était "qu'un" livre. C'était pour éviter la redondance et la lassitude de mon lectorat que je n'avais pas repris la plume. Mais l'oeuvre a muté, et quelques pensées de votre gazetière caractériseront sa nouvelle forme.
Et en guise d'introduction, façon coup de canon ou coup de chaussure sur la table :
"Entre les murs"
n'est pas un documentaire !!! C'est dit, haut et fort;
Voilà le côté indéniablement fallacieux de l'objet cinématographique susnommé!!!
Entre les murs est le film tiré d'un ROMAN écrit en 2006 par un prof-écrivain. Le livre, acheté et lu à l'époque par celle qui publie ici, est conçu comme un journal d'une rentrée à une sortie, avec des allers-retours entre la salle des profs et la classe. On y compte les jours (je ne me souviens plus si ce sont les jours écoulés et où ceux qui restent avant la quille), tel un compte à rebours.
Begaudeau (qui écrit bien, par ailleurs, mais adopte dans cet ouvrage un style sans vraie grâce) s'amuse et force le trait. C'est un roman très visuel où les élèves sont décrits très souvent par leurs vêtements. Une galerie de portraits : vivant, mais sans vrai scénario. Il n'y a aucune intrigue réelle, c'est juste linéaire.
Quand j'ai entendu qu'on avait donné la palme à un film tiré de ce livre, je me suis demandé : mais Où est l'HISTOIRE ??? Il n'y a pas de rebondissement, pas de vrai suspens, on assiste à des échanges entre gens, comme par une minuscule lorgnette... Est-ce bien raisonnable de dire que c'est du ciné ??? Ma conception d'un bon film doit être complètement dépassée....(bref, ça vaut pas Dirty Dancing).
Après visionnage du film, mon opinion, jusqu'alors intuitive, se confirme : je ne vois pas l'ombre du début d'une bonne raison artistique de décerner une palme à cette oeuvre.
Les élèves ont travaillé un an en atelier d'impro : c'est une activité que je soutiens et dont je sais les effets bénéfiques. Oui, mais...
Ils ont ensuite joué devant la caméra des rôles qui ne sont pas eux mais qui pourraient être eux : du coup, j'estime qu'il n'y a non seulement pas de VRAI talent de comédiens à louer, mais en plus, cela crée une indéniable confusion, cette touche d'ultra-réalisme incitant à penser qu'on regarde un documentaire.
On est, comme dirait l'autre, dans du documenteur.
Ceci dit, à la louche, quelques remarques de prof (mea culpa) :
- une classe de ZEP est BEAUCOUP PLUS AGITEE que celle du film.
- une classe moins défavorisée l'est moins.
- un prof ne quitte JAMAIS sa classe pour emmener un élève chez le principal : JAMAIS !
- une salle des profs, c'est infiniment plus VIVANT que dans ce film !!!! Et heureusement !
Je n'en rajouterai pas sur l'attitude du prof, truffée d'erreurs : c'est un vrai choix de n'avoir montré que ses ratages, c'est même carrément courageux.
Notons aussi au passage qu'il n'y a AUCUNE SITUATION D'APPRENTISSAGE filmée en 2 heures, mais juste des situations de communication prof/élèves. Là encore, c'est un choix, mais ce peut être trompeur pour qui penserait que faire la classe, c'est ça. Non, on leur apprend aussi des choses !!! ;-))
J'ai souri beaucoup, en regardant ce film, car on retrouve ce qui se passe vraiment dans un collège. Et mieux vaut en rire, parce qu'au final, les gamins sont hyper-pénibles....mais touchants. Mais comme on retrouve un grain de poivre dans la soupe : ne réduisons pas la soupe au grain de poivre, même s'il est bien là.
Bref : l'intérêt du film existe, on ne s'y ennuie pas, on y retrouve des échos de vérité et il peut servir utilement à lancer des débats sur l'Ecole, l'apprentissage et tous sujets connexes auquels il conviendra de réfléchir ! Mais c'est une FICTION, ok ????