Derrière une porte bleue m’attend mon petit monde. L’espace en est étroit : on est sur un bateau, n’allez pas l’oublier ! Mais il se dilate à l’infini, à la taille de mes rêveries.
Tous les détails y sont, je ne puis me tromper, j’ai vraiment embarqué ! Par le hublot (j’ai une chambre avec vue, tout de même !), je puis voir le va et vient des vedettes de liaison qui mènent les passagers du port jusque sur leur bateau.
Comme sur une plage de sable fin et chaud, je m’allonge sur le lit : je suis dans ma cabine ! Je suis dans mon chez-moi, pour quelques heures, pour quelques jours, au milieu de l’immense océan sans limite visible, mon petit univers tiendra dedans ces murs. Ma vie, mon intimité, mes repères seront circonscrits entre ces cloisons , au cœur du paquebot. Ce sera ma bulle. « Voyage autour de ma chambre.. » Je ferai à mon tour, plagiat admis et consenti, un « Voyage autour de ma cabine ».
En ce lieu clos, bercée par les vagues, caressée par le soleil à travers le verre épais, tenue en éveil par le cri des oiseaux qui suivent le bateau, je voyagerai, lovée dans mon cocon, au pays de mes songeries sans fin.
Je parcourrai des distances incroyables, je plongerai en des gouffres si profonds que jamais explorés, je volerai si haut que je croirai cent fois ne plus jamais savoir redescendre.
Et je verrai des terres qu’aucun pas n’a foulées.
Et peut être mon bateau, qui s’appelerait … l’Etoile, ferait briller pour moi, aux premières lueurs d’une aube tant attendue, la plus belle des îles, ma si belle Avalon…
Et peut être que ce jour là, pour quelques précieux instants, la réalité rejoindrait le songe en une danse douce, magique, sereine.
Et le vent pourrait souffler, la tempête pourrait faire rage, la houle pourrait bien faire tanguer et craquer le bateau de toutes parts, je serais en sécurité, dans ma cabine-bulle, avec au cœur le sentiment que rien ne pourrait m’atteindre, qui ne soit pur bonheur en mon corps palpitant.
NDLR :Ce texte, écrit bien avant que je ne connaisse Yvon Le men, et sans intention poétique consciente, vient d'être exhumé des entrailles de Marguerite lors d'une opération de fouilles-sauvegarde.
J'ai jugé que la Gazette pouvait le publier, (en effet, Angel 2) en ces heures de Printemps des Poètes et d'Escale du Livre !