Lecteurs chéris, ceci est un article de vacances : un article ultra looooong, qui vous demandera du temps mais, si vous vous en sentez, n'hésitez pas à venir découvrir la vie de Sainte Zigobelle, sainte du jour, dont la vie ne fut pas un long fleuve tranquille mais une suite d'aventures picaresques et exotiques!
A ma connaissance, aucun ouvrage publié à ce jour, ne raconte avec exactitude les hauts-faits de notre sainte peu connue, aussi la Gazette a-t-elle la fierté de rapporter ici et aujourd'hui une version EXclusive et EXhaustive de sa vie.
Zigobelle est la fille du roi breton Ernest Moins 4 et de la princesse russe Zibeline Georginovna. Elle naît avec un handicap : ses doigts sont dépourvus de troisième phalange. Comprenant que sa fille ne pourra pas passer ses journées avec les femmes de sa condition à filer la laine dans la chambre des dames en chantant des chansons de toile, sa mère lui met entre les mains une bible de Gutenberg dès l’âge de 3 mois. Très éveillée, la petite Zigobelle apprend vite à lire en secret dans les pages ouvertes devant elle, mais, manquant de motricité fine, elle ne peut que lire et relire le même passage. A quatre mois, elle saisit d’effroi sa nourrice en lui récitant par cœur les deux pages du deutéronome qu’elle avait sous les yeux depuis le matin. Zigobelle sait donc maintenant parler et lire ! Alertée, toute la cour vient au spectacle récitatif de la petite princesse, qui, encouragée par l’intérêt qu’on lui porte, va réussir à vaincre son handicap et apprendre très vite à tourner les pages pourtant si fines de son livre sacré. A 6 mois, elle sait dire par cœur les trois évangiles synoptiques et les 3/4 de celui de Jean. A un an, elle connaît sans faille tout le Premier Testament et peut discuter longtemps à propos des écrits de St Augustin.
Dès qu’elle sait marcher, Zigobelle rend visite aux pauvres à qui elle apporte réconfort, leur disant sans relâche les histoires de la Bible et leur distribuant tout ce qu’elle ramasse dans le verger et le potager du château. Vers l’âge de 6 ans, elle reçoit des mains d’une petit fille reconnaissante un cadeau qui va changer radicalement le cours de sa vie : un tricotin. Elle voit de suite dans ce petit objet la torture idéale pour mortifier ses petits doigts malhabiles et édifier ainsi son âme avide de sainteté. Tempérament sans limites, Zigobelle se met à pratiquer le tricotin avec une ferveur extrême, plus de 20 heures par jour, priant en souffrant, souffrant en priant, mangeant peu, ne dormant presque plus.
Les années passent et ses parents sont bien obligés d’admettre que Zigobelle refusera tous les prétendants qu’ils lui présentent. Ils cèdent donc à la demande qu’elle leur fait depuis l’âge de 10 ans : ils lui offrent sa dot. A 13 ans, Zigobelle fonde donc son ordre, les Filles du Bon Jésus du Tricotin, et devient la Mère supérieure du premier couvent des tricotinistes, en Normandie.
La Règle est stricte : tricotin/prière/travail d’élevage/ tricotin/prière en cellule/prière chantée collective. Une collation par jour en commun. Visite de la famille une fois par an, lors de la Fête du Mouton (jour de sacrifice d’Abraham).
Afin de pouvoir faire du tricotin, les sœurs élèvent des chèvres et des moutons pour la laine et le lait (elles ne vivent que de fromage et d’herbes et simples du jardin).
Les ouvrages sont donnés aux orphelinats, aux hôpitaux et aux prisons.
L’Ordre des tricotinistes essaime quelques monastères de par le monde, dont un, unique, de frères, en Gouadeloupe.
Vers ses 30 ans, Zigobelle, durant l’une de ses courtes nuits, voit en rêve un immense Christ bras grands ouverts, debout sur une montagne, dans le vent. Le Christ lui dit qu’il s’appelle le Rédempteur, et lui envoie un message de détresse : il a froid ! Zigobelle du Tricotin comprend qu’elle a pour mission désormais de réaliser une chaude et immense écharpe et de partir par le monde pour retrouver le Christ et lui offrir le fruit de son labeur. Elle travaille à s’en user la seconde (et dernière) phalange de ses pauvres doigts durant plus de 8 années et enfin, un jour, a une nouvelle vision qui lui dit que le moment est venu de nouer le dernier fil et de partir à l’aventure.
Ne sachant pas du tout où aller, et l’aumônier du couvent n’ayant aucune aide à lui apporter quant à la localisation de ce Jésus frigorifié, elle décide de suivre l’exemple des Hébreux et de se laisser guider par sa foi. Elle charge donc son écharpe géante sur une chèvre, monte elle-même sur un mouton et fait ses adieux à son monastère normand. Après quelques jours d’errance, les bêtes arrivent sur une plage (plusieurs siècles plus tard, on l’appellera la Plage du Débarquement). Là se trouve un bateau assez grand pour embarquer les animaux, Zigobelle et l’écharpe. Un vent se lève et l’esquif s’éloigne vers l’horizon. Durant des jours, la barque vogue sur une mer came, mais soudain, c’est la tempête ! Zigobelle prie et fait du tricotin. Un énorme poisson avale soudain l’embarcation et la recrache on ne sait combien de temps après, sur une plage dorée : Zigobelle a abordé la baie de Rio ! C’est le premier miracle attesté de Ste Zigobelle.
Face à elle se dresse l’immense Christ qui l’appelle de ses bras grands ouverts ! Elle se précipite pour faire offrande de son écharpe, mais, arrivée là-haut, elle ne voit aucune statue. Comprenant qu’elle a eu une vision (mais ignorant qu’elle était prémonitoire, puisque de fait, des siècles plus tard, le fameux Christ existera bel et bien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Statue_du_Christ_R%C3%A9dempteur), Zigobelle fait don de son écharpe à la favella du coin et repart sur le dos de son mouton, déterminée à profiter de son passage en terre étrangère pour ouvrir deux ou trois nouveaux couvents de tricotinistes.
Elle arrive en forêt amazonienne et se fait capturer par une tribu de Jivaros réducteurs de têtes extrêmement sauvages et cruels. En signe de paix et de bonne volonté, Zigobelle ouvre ses mains devant eux : ils s’inclinent soudainement, fascinés, semble-t-il, par ses doigts naturellement réduits et endurcis par des années de tricotin. Elle acquiert le statut de Sage et de chamane dans la tribu : c’est le second miracle attesté de la vie de Ste Zigobelle.
Prosélyte et néanmoins finement pédagogue, la future sainte comprend que ces âmes simples ne pourront être converties au christianisme qu’en sachant adapter son enseignement aux coutumes locales. Loin de les blâmer pour leur manie barbare de dessécher les têtes de leurs ennemis, Zigobelle profite de ce matériau privilégié pour faire des reconstitutions imagées de scènes frappantes de la Bible : le Jardin d’Eden, la Nativité…s’en servant comme des sortes de marionnettes dans l’école qu’elle construisit après avoir elle-même déforesté une grande place touffue pour en faire une clairière. Les tribus étant peu nombreuses, Zigobelle créa ainsi le premier RPI (regroupement pédagogique intercommunal). Outre la Bible, on y apprenait le tricotin avec de la laine de singe.
Après de longues années dans la forêt amazonienne, contente de ses oeuvres, ayant notamment ouvert un couvent de tricotinistes dans la jungle, Zigobelle décide de repartir. Dans un tronc d’arbre creusé, elle suit le fleuve, franchit les rapides et se retrouve finalement dans un petit village à l’embouchure d’un grand rio (5 siècles plus tard, on donnera à ce lieu un nom qui deviendra célèbre : http://fr.wikipedia.org/wiki/Buenos_Aires)
Il y a peu d’habitants mais ils aiment chanter et danser. Zigobelle comprend aussitôt que c’est par le biais de la musique qu’elle arrivera à les convertir à la Vraie religion. A l’aide de son tricotin, elle fabrique une sorte d’instrument en fibres végétales : il suffit de l’étirer et de le replier pour en tirer des sons déchirants et poignants. Hommes et femmes se laissent porter par la musique et improvisent des pas félins, tandis que Zigobelle accompagne les airs de paroles de la Bible. Trouvant que les femmes montrent trop leurs mollets et plus durant les danses, elle réalise avec son tricotin de longues chaussettes à mailles souples et larges, qui permettent à la fois de garder une certaine agilité et un minimum de décence.
C’est le troisième miracle de Zigobelle : 4 siècles avant que ça se sache, et pour prêcher la Bonne Nouvelle de l’Evangile, elle a inventé le bandonéon, le tango et les bas résilles !
Les années passent. Zigobelle a dans les 90 ans, et doit bien admettre qu’elle a perdu beaucoup de son habileté au tricotin. Elle décide de repartir en Normandie dans son couvent premier pour finir sa vie dans la dévotion. Elle rejoint donc un petit cirque de saltimbanques venu chercher des animaux exotiques pour sa ménagerie, et s’installe dans une roulotte où elle prie et tricotine du mieux qu’elle peut des filets de sécurité pour les trapézistes. Le petit cirque ayant à son programme une grande tournée européenne, embarque bientôt dans une baie avec une île au milieu. Zigobelle a alors une nouvelle vision : elle voit une grande vierge avec un bras levé tenant un flambeau qui semble se plaindre d’être en plein vent et d’avoir froid. Elle entame alors la dernière grande œuvre de sa vie, une écharpe géante pour celle qui le lui demande. En réalité, la pauvre Zigobelle ne finira jamais cette écharpe et ce n’est pas grave car de toute façon, sa vision était un peu embrouillée, et certes, la statue exista bel et bien des siècles plus tard, mais ce n’était pas Sainte Marie comme elle le croyait, et jamais les Américains n’auraient accepté qu’une écharpe catholique flotte au-dessus de Manhattan, c’est certain. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Statue_de_la_Libert%C3%A9)
Revenue dans son monastère, entourée de ses sœurs du Tricotin, Zigobelle s’éteint doucement à l’âge de 108 ans, dans son lit, son mouton couché à ses pieds.
Elle est béatifiée puis canonisée à la demande d’une association de Jivaros convertis capturés par les Espagnols conquistadores.
Sainte Zigobelle est la patronne du tricotin et du bandonéon.
Elle se fête le 22 février.