15 février 2008
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16:44
Dans les lycées, on n'en est qu'aux bacs blancs, mais ces grands thèmes de philo nous trottent toujours dans la tête.
Mémoire : Faculté comparable à un champ mental dans lequel les souvenirs, proches ou lointains, sont enregistrés, conservés et restitués.
Le fameux devoir de mémoire est-il compatible avec le nécessaire pardon ? Que peut-on oublier, que peut-on pardonner ?
Ou plus exactement, QUE peut-on pardonner et QUI peut-on pardonner ?
Car il me semble que le pardon est humain ( même si, pour les croyants, il est avant tout divin) : en réalité, je crois qu'on ne pardonne pas des actes mais des personnes. On ne pardonne pas ce qui a été fait : au mieux, on tente de faire avec, de l'oublier, de l'accepter... Mais on pardonne celui qui a fait, celui qui a commis l'impardonnable.
Un être humain laisse ses traces dans le monde par les actes qu'il pose...plus que par les paroles qu'il prononce ( même si certaines paroles font parfois autant bouger le monde que de actes). Et pourtant, un individu n'est pas lui-même réduit à la somme de ses actes. Et c'est bien à ce titre, je crois, que je peux pardonner celui qui m'a offensée.
Pardonner : Ne pas tenir rigueur à son auteur, d'un manquement, d'une faute, d'une offense et n'en garder aucun ressentiment.
Tu me trahis, tu me mens, tu ne tiens pas tes promesses, tu me soustrais ce qui m'appartient ou ce que je rêvais d'avoir, tu me blesses, tu attentes à ma dignité : tout cela est impardonnable, soyons francs.
Mais tu existes au-delà de ces erreurs, au-delà de ces horreurs. Tu n'ES pas ce que tu FAIS, aussi puis-je ( ou bien je ne peux pas...) laisser couler en moi, et sur nous, le miel bienfaisant du pardon, avec la grâce du Très-Haut... pour celui qui croit au Ciel, et même pour celui qui n'y croit pas.
Ce pardon, rien moins que facile mais si souhaitable pour chacun, n'efface en rien la faute et ne referme pas la plaie : il faudra pour cela compter sur d'autres forces, tel le temps qui passe, la vie qui renaît à chaque instant ou le bien que d'autres peuvent nous faire.
Ce pardon n'existe qu'avec la mémoire comme corollaire : si l'oubli vient, le pardon n'est pas. On ne pardonne pas quand on est guéri : il n'est plus temps.
Oubli : Absence ou disparition de souvenirs dans la mémoire individuelle ou collective.
Se souvenir est nécessaire, car l'ignorance est un gouffre où le noir engloutit toute lueur, toute lumière, tout rayonnement naissant.
Se souvenir est nécessaire, car l'oubli devient vite ignorance.
Primo Lévi parlait du devoir de mémoire, qu'il concevait comme l'obligation faite aux "témoins de porter témoignage", comme une ultime blessure qu'on empêche de cicatriser, comme une plaie constamment entretenue.
Que celui qui a souffert témoigne, qu'il raconte, qu'il donne à savoir, à connaître, si ce n'est à comprendre.
Quand l'offense est trop grande, quand elle quitte la sphère de l'intime, la mémoire devient commémoration : on fait mémoire ensemble, cérémonieusement, dans une union et une synergie qui impliquent chacun dans cette lutte contre le néant insupportable et dangereux de l'ignorance.
Commémorer : relater un événement pour qu'on s'en souvienne par la suite.
Mais pour autant, s'il est certain que chacun doit savoir, faut-il que tous portent le même poids ? N'apprend-on pas progressivement ? Ne grandit-on pas jour après jour, année après année ? Entend-on les choses de la même oreille à tout âge ?
Vous, mes lecteurs qui avez des enfants de 10 ans, vous, qui en avez eu, vous, dont les élèves ont cet âge, vous qui êtes adultes, pensez-vous qu'on ait, à l'âge des billes et des albums Panini, l'entendement et la force de porter en soi le nom d'un inconnu, d'un enfant qui devrait avoir l'âge de son grand-père ou de sa grand-mère, mais qui n'a jamais grandi ?
Vous pensez qu'on peut montrer aux enfants de CM2 un film comme Nuit et Brouillard ? Moi, je sais déjà l'effet qu'il fait aux classes de troisième... Vous croyez qu'on peut dire : "Tu vas avoir comme "jumeau virtuel" un enfant innocent torturé et mort il y a 65 ans, tu vas connaître son nom, on ne te dira pas exactement comment, ni vraiment pourquoi, tu ne comprendras rien mais tu percevras intimement l'horreur de ce qu'il a vécu..." ?
On cherche quoi ? Des angoisses ? Des frayeurs ? Des cauchemars ? Des culpabilités injustifiées et insurmontables ? On sème du morbide...que compte-t-on récolter ??? On confond ici histoire et émotion, on mélange objectivité et pathos : ni en tant qu'adulte, ni en tant que parent, ni en tant qu'enseignante, je ne pense que la méthode soit défendable. Vraiment. Là, franchement, je ne comprends pas. Je ne comprends pas.
Mémoire : Faculté comparable à un champ mental dans lequel les souvenirs, proches ou lointains, sont enregistrés, conservés et restitués.
Le fameux devoir de mémoire est-il compatible avec le nécessaire pardon ? Que peut-on oublier, que peut-on pardonner ?
Ou plus exactement, QUE peut-on pardonner et QUI peut-on pardonner ?
Car il me semble que le pardon est humain ( même si, pour les croyants, il est avant tout divin) : en réalité, je crois qu'on ne pardonne pas des actes mais des personnes. On ne pardonne pas ce qui a été fait : au mieux, on tente de faire avec, de l'oublier, de l'accepter... Mais on pardonne celui qui a fait, celui qui a commis l'impardonnable.
Un être humain laisse ses traces dans le monde par les actes qu'il pose...plus que par les paroles qu'il prononce ( même si certaines paroles font parfois autant bouger le monde que de actes). Et pourtant, un individu n'est pas lui-même réduit à la somme de ses actes. Et c'est bien à ce titre, je crois, que je peux pardonner celui qui m'a offensée.
Pardonner : Ne pas tenir rigueur à son auteur, d'un manquement, d'une faute, d'une offense et n'en garder aucun ressentiment.
Tu me trahis, tu me mens, tu ne tiens pas tes promesses, tu me soustrais ce qui m'appartient ou ce que je rêvais d'avoir, tu me blesses, tu attentes à ma dignité : tout cela est impardonnable, soyons francs.
Mais tu existes au-delà de ces erreurs, au-delà de ces horreurs. Tu n'ES pas ce que tu FAIS, aussi puis-je ( ou bien je ne peux pas...) laisser couler en moi, et sur nous, le miel bienfaisant du pardon, avec la grâce du Très-Haut... pour celui qui croit au Ciel, et même pour celui qui n'y croit pas.
Ce pardon, rien moins que facile mais si souhaitable pour chacun, n'efface en rien la faute et ne referme pas la plaie : il faudra pour cela compter sur d'autres forces, tel le temps qui passe, la vie qui renaît à chaque instant ou le bien que d'autres peuvent nous faire.
Ce pardon n'existe qu'avec la mémoire comme corollaire : si l'oubli vient, le pardon n'est pas. On ne pardonne pas quand on est guéri : il n'est plus temps.
Oubli : Absence ou disparition de souvenirs dans la mémoire individuelle ou collective.
Se souvenir est nécessaire, car l'ignorance est un gouffre où le noir engloutit toute lueur, toute lumière, tout rayonnement naissant.
Se souvenir est nécessaire, car l'oubli devient vite ignorance.
Primo Lévi parlait du devoir de mémoire, qu'il concevait comme l'obligation faite aux "témoins de porter témoignage", comme une ultime blessure qu'on empêche de cicatriser, comme une plaie constamment entretenue.
Que celui qui a souffert témoigne, qu'il raconte, qu'il donne à savoir, à connaître, si ce n'est à comprendre.
Quand l'offense est trop grande, quand elle quitte la sphère de l'intime, la mémoire devient commémoration : on fait mémoire ensemble, cérémonieusement, dans une union et une synergie qui impliquent chacun dans cette lutte contre le néant insupportable et dangereux de l'ignorance.
Commémorer : relater un événement pour qu'on s'en souvienne par la suite.
Mais pour autant, s'il est certain que chacun doit savoir, faut-il que tous portent le même poids ? N'apprend-on pas progressivement ? Ne grandit-on pas jour après jour, année après année ? Entend-on les choses de la même oreille à tout âge ?
Vous, mes lecteurs qui avez des enfants de 10 ans, vous, qui en avez eu, vous, dont les élèves ont cet âge, vous qui êtes adultes, pensez-vous qu'on ait, à l'âge des billes et des albums Panini, l'entendement et la force de porter en soi le nom d'un inconnu, d'un enfant qui devrait avoir l'âge de son grand-père ou de sa grand-mère, mais qui n'a jamais grandi ?
Vous pensez qu'on peut montrer aux enfants de CM2 un film comme Nuit et Brouillard ? Moi, je sais déjà l'effet qu'il fait aux classes de troisième... Vous croyez qu'on peut dire : "Tu vas avoir comme "jumeau virtuel" un enfant innocent torturé et mort il y a 65 ans, tu vas connaître son nom, on ne te dira pas exactement comment, ni vraiment pourquoi, tu ne comprendras rien mais tu percevras intimement l'horreur de ce qu'il a vécu..." ?
On cherche quoi ? Des angoisses ? Des frayeurs ? Des cauchemars ? Des culpabilités injustifiées et insurmontables ? On sème du morbide...que compte-t-on récolter ??? On confond ici histoire et émotion, on mélange objectivité et pathos : ni en tant qu'adulte, ni en tant que parent, ni en tant qu'enseignante, je ne pense que la méthode soit défendable. Vraiment. Là, franchement, je ne comprends pas. Je ne comprends pas.