Cela a commencé jeudi.
Sans doute, cela aurait dû commencer bien avant : le mercredi des Cendres, lors de l'entrée "officielle" en carême, ou, au moins, si j'avais raté ce train-là, le dimanche des Rameaux.
Mon désir de Pâques, mon chemin vers la Joie de la Résurrection, auraient dû commencer bien plus tôt.
Eh bien non, c'est jeudi, lors de la célébration de la Cène, que j'ai enfin senti en moi frémir la petite flamme espérée.
Cette journée avait été bien trop remplie, remplie de choses fatigantes et inhabituelles telles que visite de chantier (dans le froid et les gravats) et discussion avec le chef de projet sur les plans du futur collège le matin, marche forcée de 3 km avec les élèves l'après-midi, non-prévue et en talons, accompagnement éducatif avec cancres Label Rouge... Bref, quand je me suis effondrée sur le banc de l'église à 19 h, le long de la belle table du dernier repas, je n'espérais même pas me laisser caresser par la Grâce, je me sentais vide et surmenée, dans des conditions déplorables pour vivre une belle messe.
Heureusement, de toute évidence, ce n'était pas le projet du Seigneur pour moi ;-))
Lui, il a dû sentir que je mourais de faim, et il m'a servie à la mesure de mon appétit. Juste ce qu'il faut, pas trop d'un coup, car il s'agissait que je puisse profiter de la suite...
Jeudi, donc.
J'ai bien aimé, dès le début, ce petit dialogue façon Séder de Pessah, la Pâque juive. Quand l'enfant, au début du repas, pose la question : "Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits?"
Ce petit "truc" pour rappeler le pourquoi de cette messe en semaine m'a de suite "mise à table" et plongée dans "le bain" (si j'ose dire).
Du coup, même si je n'ai pas apprécié le rituel du lavement des pieds (qui pour moi a une toute autre signification que le fait de servir au lieu d'être servi.... mais ça, c'est une autre histoire!), la célébration m'a plu, m'a nourrie, m'a plongée dans un état de plénitude spirituelle que je peinais à atteindre ces temps-derniers....
C'est donc le coeur léger et l'âme allègre que je partis hier soir pour "ma deuxième messe préférée de l'année" (après le Jeudi Saint) : la Vigile pascale.
Il faut dire qu cette année, elle prenait une résonance particulière pour moi, avec une immense envie de rendre grâces pour les instants que je vis. L'esclavage des Hébreux en Egypte, le passage de la Mer Rouge, le désert.... Plus que jamais, les textes de la nuit feraient écho en moi, je le savais, je l'attendais, je le désirais.
Les Lectures de la veillée pascale sont parmi mes préférées.
Le récit de la Création, d'abord. Avec toute sa poésie et tout son mystère.
En cette année liturgique, le choix n'était pas sa version la plus connue, la version "temporelle" comme l'a précisé le prêtre. Nous n'avons pas entendu les récit "des 7 jours", mais celui "du Jardin". Ce récit est bien différent de l'autre, il tout centré sur l'Homme. Dieu le place dans un beau jardin, il lui donne des compagnons, et finit par le combler en créant la Femme, de la même essence... ce qui provoque, notons-le, un vrai enthousiasme chez le monsieur !
C'est aussi le texte qui place de suite l'Homme devant sa liberté de choix....
Un récit moins connu...que du coup on "écoute" avec plus de curiosité... J'ai bien apprécié ce choix.
Et puis, décidément, pour l'Evangile, ce n'était pas non plus la version la plus habituelle de la Résurrection.
On attend que les femmes découvrent le tombeau vide, on s'attend à ce qu'elles aillent le crier...
Avec St Marc, l'expérience est plutôt traumatisante... La Joie n'est pas pour de suite ! Place au silence, devant une chose trop lourde à (col)porter...
J'ai entendu ce récit avec énormément d'émotion hier soir.
C'était le jour où je devais/pouvais l'entendre... Sans doute.
D'abord, la phrase qui a résonné en moi de façon incroyable : "Elles se disaient l’une à l’autre: Qui va rouler pour nous la pierre qui ferme l’entrée du tombeau?"
Voilà, c'est cela, me dis-je : dans les situations difficiles, quelles qu'elles soient, à chacun ses nuits, à chacun ses mers rouges, dans ces cas, on veut "tenir", on veut faire face, on "y va"...mais on s'inquiète, on se demande comment on va faire, comment on va y arriver.... Y a bien le germe de la foi...mais on se sent si petit, si faible... "Qui va nous rouler la pierre?" On imagine les obstacles avant de se trouver devant... la peur... Mais quand elles regardèrent, elles virent que la pierre, qui était très grande, avait déjà été roulée de côté. Et ça, c'est vrai, combien de fois trouve-t-on la pierre déjà roulée" ? Très souvent....dans les moments de vide, de doute, on sent une aide, une force, un soutien... Et on peut aller plus loin.
Ces femmes, ensuite, sont "instruites" de la Résurrection par un "jeune homme en blanc", figure de la médiation entre la Parole et nous. Médiation qui prend des apparences et des rencontres variées dans nos vies... A nous de les voir, les accepter, les entendre...
Et puis, à la fin, il y a ce silence des femmes.
Et elles ne dirent rien à personne, parce qu’elles avaient peur.
N'est-ce pas justement ainsi, souvent, qu'on va d'abord vivre nos moments de résurrection ? Dans l'intimité de notre âme, de notre coeur, sans crier à la volée qu'on se sent à nouveau vivant ? N'est-ce pas en des prières muettes, contemplatives, qu'on refait surface, quand on ose à peine y croire, quand c'est tellement fragile, que c'est "trop beau pour être vrai ?"
Et puis... ces moments passés, il va bien falloir "en faire quelque chose" de cette re-naissance ! Il va falloir aller la voir de près, la vivre dans le monde, la (re)connaître, la comprendre... faut bouger quoi !
Il va vous attendre en Galilée; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.
Eh oui ! La FOI est un CHEMIN ! Croire, c'est prendre la route.... Quand faut y aller, faut y aller ;-))
On ne traverse pas la Mer Rouge sans peur, sans mal. On ne marche pas dans le désert sans doute, sans crainte. On ne fait pas l'expérience de la résurrection sans secousse, sans mutisme momentané. On ne passe pas de l'ombre à la lumière sans se cacher les yeux, sans perdre ses repères... Mais ça vaut tellement le coup !
Il est ressuscité, Alleluia !
Et dans sa résurrection, c'est nous qu'il entraîne dans la Vie, Alleluia !
