L’activité intense qui régnait au CDI en beau jour de juin sur le coup de 15 heures a donné à votre gazetière l’idée de chercher quelques détails intéressants sur l’expression « bayer aux corneilles »…
Car en effet, gentils et dynamiques lecteurs, on écrit bien, du moins le devrait-on, « bayer » et non bâiller…
Ouh lala, je vous entends d’ici : mais qu’est-ce qu’elle nous raconte encore la Zigobelle ? Ayez confiance, mes chers abonnés : jamais je ne véhiculerais d’informations dont je n’ai pas soigneusement vérifié les sources, que je croise et recroise avec l’élégance d’une dentellière de l’info, je vous assure !
Voici donc pour vous une petite étymo-jolie !
Pour exprimer ce mouvement irrépressible des muscles faciaux que nous connaissons tous et qui est terriblement contagieux, (ne dit-on pas qu’un bon bâilleur en fait bâiller sept ???), le français, langue riche, nous donne le choix entre trois verbes, tous descendants directs du même terme latin batare, « être la bouche ouverte »: béer, bâiller et bayer.
« Béer » subsiste surtout à travers ses participes, avec béant et bouche bée… Certains élèves, estourbis par la soudaine chaleur moite de cet après-midi, étaient la parfaite illustration des mots ci-dessus…
Le deuxième, je ne vous l’apprends pas, est le plus usité. "Baailler", avec deux a accolés, pseudo-onomatopée encourageant le bâillement rien qu'à la prononcer, était l'écriture ancienne, telle qu'elle apparaît dès le 12e siècle. Il faut donc bien prendre le temps de dire ces deux a qui n’en font plus qu’un depuis l’adjonction de l’accent circonflexe. Prenez exemple sur les Normands, qui voient des âââ partout, et répétez après moi : je baaaaaille, tu baaaaaailles, nous baaaaaaillons… Là, normalement, on joint le geste à la parole... si on est d’un naturel empathique et sensible à la suggestion.
Le troisième, semble ne survivre qu’à travers l’expression « bayer aux corneilles », qui signifie : rêvasser, perdre son temps en regardant en l'air niaisement (Robert)
(Du reste, sachez-le, on le confond avec son grand frère, parce qu’on le prononce mal : logiquement, il faudrait le prononcer comme payer. )
D’autres membres de cette grande famille, que vous fréquentez régulièrement sans savoir leur origine sont : ébahir, (XIIème) ou rester baba (1808) ; bégueule (1690) qui est au départ un nom formé sur bouche bée, et qui signifie « femme d'une pruderie affectée, qui s'effarouche, se scandalise pour des choses insignifiantes » (Robert) et même une baie, vitrée ou non (XIIème) (l’ouverture dans un mur, pas le fruit !)…
(ou aux moineaux, ou aux pigeons),
faites attention à ne pas finir par
bââââiller à vous en décrocher la mââââchoire!!!!