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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 09:30
C'est vrai, quoi.
Parlez-moi avec des mots doux, des mots-molleton, des mots-feutrés, des mots qui suggèrent, qui disent sans dire, qui ne heurtent pas, ne font pas de bleus, pas de rides, qui ne piquent pas...
En religion, en psychanalyse, en philosophie, on vous dire que les choses doivent être nommées et dites pour exister.
Oui, mais dans notre société, ce n'est plus politiquement correct, de nommer et de dire.
Un vrai mot pour une réalité qui dérange, ce n'est plus possible à entendre.
Y a pas de mourants, y a des personnes en fin de vie (VIE, c'est le dernier mot de la formule, donc celui qui fait du bien à entendre, non?)
Y a plus de vieux, y a des Séniors, c'est autrement gratifiant, cet OR qui brille et nous évoque autant des sportifs en pleine forme que de glorieux Romains du temps de l'Empire.
Pas d'aveugles, chez nous, que des non-voyants : là encore, que signifie cet infime et ridicule petit "non" face au magnifique "voyant" qui sonne à la fin du mot ?
La liste est longue, et figurez-vous que je viens de découvrir ce matin dans mes lectures professionnelles (et édifiantes) un des derniers tours de passe-passe linguistique de nos chers cousins canadiens.
Peut-être que notre Angel 2 connaît déjà le terme, puisque travaillant dans le milieu. Pour moi, c'est tout nouveau...et ça me fait gentiment bondir.
Vous connaissez l'INTEGRATION. Vous savez que c'est un (faux) cheval de bataille de nos institutions depuis quelques années. Faux, parce qu'au-delà de la volonté affichée et proclamée d'intégrer à tout-va les handicapés, aucun moyen matériel, financier ou humain n'est donné aux "intégrateurs" désignés d'office. Au contraire, intégrer = économiser.
Je résume en trois mots pour ceux qui ne sont pas enseignants (y en a parmi mon lectorat ;-) ) : un jour, on vous dit : "Vous allez avoir tel élève dans votre classe. Il a ce type de handicap (mais là, ça reste très évasif, à cause de secret professionnel, donc, y a le médecin scolaire qui sait, l'infirmière qui sait, la famille qui sait, et le prof qui va vivre toute la journée avec le gamin mais qui ne sait que le minimum minimorum) et donc, je vous donne ces 6 feuilles jaunes à remplir, vous notez votre projet pédagogique (!!!???) pour cet enfant et vous envoyez ça à l'Inspection académique pour le 15."
C'est pas la peine de dire que tu n'as pas été formé pour ce genre d'accueil, que t'as des craintes de mal faire, que tu ne vois pas comment tu vas offrir toute l'attention nécessaire à cet élève "porteur de handicap" (oui, pardon, parce que "handicapé" c'est un peu violent, on n'a pas le droit de dire ça si abruptement) alors que tu as déjà 25 autre élèves pas toujours faciles... Tu la boucles et tu dis oui, sinon, t'es un infâme méchant qui stigmatise le handicap et fait reculer la cause de l'humanité et c'est à cause de gens comme toi que le monde est si cruel.
Donc, tu remplis tes feuilles jaunes et tu culpabilises si le petit "porteur de handicap" ressemble vachement à un petit oisieau sans plumes à qui on dit  "mais si, tu peux quitter le nid, t'es exactement comme les autres"...
Et c'est vrai que chaque miette de réussite, tu te jettes dessus et tu lui trouves une saveur délicieuse... mais bon, dans cette histoire, il reste beaucoup d'affamés et le leurre agité aux yeux de tous fait quand-même vomir.

Tout ça (c'est du vécu, ça se sent peut-être?) pour en revenir à nos élèves "porteurs de handicap".
On l'a vu, le terme est censément adoucissant.
Mais pas encore assez pour nos cousins, toujours un train en avance sur le vieux Continent, il faut l'avouer.
Que sont donc ces enfants devenus ?
Des ELEVES A DEFI.
J'espère que vous appréciez le tour de force.
Le handicap a disparu (c'est digne de Lourdes, non?) et finalement, la personne atteinte par ce handicap aussi, ou presque.
La balle est dans le camp de celui qui relève le défi. Question de challenge personnel, finalement.
L'enfant handicapé dans sa chair, dans son coeur,  cet enfant qui doit bien vivre avec ça, toute sa vie durant, sans passer le relais, lui, cet enfant, c'est juste un élève à défi. Toute la partie active est pour le "maître". Toute la culpabilité qui va avec aussi, et pire que jamais. Tu relèves le défi, t'as intérêt à ce que ça marche.
Où est la place de la personne avec son handicap ? Dans l'action et le zèle de l'autre.
Moi, quand je lis ça, j'ai l'impression qu'on nie la réalité intrinsèque de cet élève. La vérité qui dérange. le handicap, le moche, le ratage de la médecine, le grain de sable dans une société de jeunesse, de beauté, de santé... Alors, on intègre, on avale, on digère, on fait comme si... T'en fais pas, ton h.... on n'en parle pas, c'est nous que ça regarde, un défi pour nous, et nous, les défis, ça nous fait pas peur !
Sauf que moi, si. Votre Gazetière, lecteurs bien-chéris, elle trouve que c'est un peu fort d'obliger les gens à relever des défis sans les préparer à ça, sans les soutenir, les entourer... et  en gommant toute réalité dure à entendre et en jouant à faire semblant... Quant aux "élèves à défi", tous regroupés dans le même panier, en quoi reconnaît-on leur personne dans ce qu'elle a d'unique, de spécial, d'extra-ordinaire ?
Parce que, quitte à changer les mots,
je préfère celui-là : extra-ordinaire.
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commentaires

Z
Qui, QUI n'est pas réduit à son statut social actuellement...et depuis toujours ??? Il y a "les fonctionnaires", "les politiques", les "grands dirigeants", "la ménagère de moins de 50 ans", "les petits épargnants", "les étudiants"... Il y avait "la noblesse", "le tiers-état"... et encore avant "le clergé", les paysans... et tous ceux des guildes... Inutile de remonter plus loin. Donc, vraiment, rien de neuf, il me semble. Effectivement, certains, c'est bien là le problème affiché, "commencent" non par ce qu'ils "ont" mais par ce qu'ils n'ont pas... Avoir contre être : la nuance sémantique est là, dans le choix du verbe auxiliaire...
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D
A côté de cela, on parle de "SDF", de "sans-papiers", réduisant les personnes à leur statut social... Mais c'est bien connu, ces gens ne sont humains, hein ?
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A
Officiellement, on parle de personne en "situation de handicap". Quant aux élèves ce sont des enfants à besoins éducatifs particuliers. On coucoune de ce côté de l'Atlantique ;)
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A
je suis derriére vous les filles !!
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