12 avril 2008
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Chers lecteurs, la Gazette, fidèle à sa vocation de répondre aux questions que vous ne vous posez pas, publie ce jour un article absolument indispensable.
Votre gazetière se demande d'ailleurs comment elle a pu attendre jusqu'à ce jour pour s'interroger sur les origines du mot ORDINATEUR !
Quand on sait, en effet, à quel point cet objet magique est présent dans nos vies, combien on ne saurait plus s'en passer, combien la Gazette-même dépend de lui et combien de fois on emploie ce mot dans une journée, comment la curiosité étymologique ne nous est-elle pas venue avant ???
Je rattrape illico mon inexcusable retard.
Prenon le mot ordinator, qui donna en vieux français ordinateur. A l'époque, évidemment, point de PC...Ordinateur avait autrefois le sens d'ordonnateur, personne qui dispose, qui règle selon un ordre. Dans l'Église catholique, il avait aussi le sens d'ordinant, celui qui confère un ordre ecclésiastique.
En 1954, la société IBM France voulait trouver un nom français pour sa nouvelle machine électronique destinées au traitement de l'information (IBM 650), en évitant de transposer littéralement le mot anglais "computer" : calculateur.
Un cadre de la société, manifestement cultivé et pas seulement ingénieur, eut l'idée de consulter un de ses anciens professeurs, Jacques Perret, titulaire de la chaire de philologie latine à la Sorbonne.
Celui-ci travailla vaillamment, comme on l'attendait d'un grand maître de son acabit.
Il fit de longues recherches terminologiques, qu'il soumit à IBM :
"Systémateur" serait un néologisme, mais qui ne me paraît pas offensant ; il permet "systémation" ; mais "systémer" ne me semble guère utilisable.
"Combinateur" a l'inconvénient du sens péjoratif de "combine" ; "combiner" est usuel, donc peu capable de devenir technique (...)
"Congesteur", "digesteur" évoquent trop "congestion" et "digestion"
"Synthétiseur" ne me paraît pas un mot assez neuf pour designer un objet spécifique, déterminé comme votre machine.
Que diriez vous d"ordinateur" ? C'est un mot correctement formé, qui se trouve même dans le Littré comme adjectif désignant Dieu qui met de l'ordre dans le monde. Un mot de ce genre a l'avantage de donner aisément un verbe, "ordiner", un nom d'action, "ordination". L'inconvénient est que "ordination" désigne une cérémonie religieuse ; mais les deux champs de signification (religion et comptabilité) sont si éloignés et la cérémonie d'ordination connue, je crois, de si peu de personnes que l'inconvénient est peut-être mineur. D'ailleurs votre machine serait "ordinateur" (et non ordination) et ce mot est tout a fait sorti de l'usage théologique.(...)
En relisant les brochures que vous m'avez données, je vois que plusieurs de vos appareils sont désignés par des noms d'agents féminins (trieuse, tabulatrice). "Ordinatrice" serait parfaitement possible et aurait même l'avantage de séparer plus encore votre machine du vocabulaire de la théologie.
(Extraits de la lettre adressée le 16 avril 1955 à IBM)
IBM France retint le mot ordinateur, sans doute plus prestigieux que le féminin naïvement proposé par le professeur Perret...
Le mot fut facilement et rapidement adopté par les utilisateurs et IBM France décida au bout de quelques mois de le laisser dans le domaine public, alors qu'il voulait au départ le déposer comme marque.
Le mot a été transposé en espagnol (ordenador). D'autres langues romanes ont choisi de construire un néologisme à partir des mots latins calculator et computator : computadora en espagnol d'Amérique latine (pas si sexiste ?), calcolatore en italien, computador en portugais... (c'est bien ça, Angel 3 ?)

Votre gazetière se demande d'ailleurs comment elle a pu attendre jusqu'à ce jour pour s'interroger sur les origines du mot ORDINATEUR !
Quand on sait, en effet, à quel point cet objet magique est présent dans nos vies, combien on ne saurait plus s'en passer, combien la Gazette-même dépend de lui et combien de fois on emploie ce mot dans une journée, comment la curiosité étymologique ne nous est-elle pas venue avant ???
Je rattrape illico mon inexcusable retard.
Prenon le mot ordinator, qui donna en vieux français ordinateur. A l'époque, évidemment, point de PC...Ordinateur avait autrefois le sens d'ordonnateur, personne qui dispose, qui règle selon un ordre. Dans l'Église catholique, il avait aussi le sens d'ordinant, celui qui confère un ordre ecclésiastique.
En 1954, la société IBM France voulait trouver un nom français pour sa nouvelle machine électronique destinées au traitement de l'information (IBM 650), en évitant de transposer littéralement le mot anglais "computer" : calculateur.
Un cadre de la société, manifestement cultivé et pas seulement ingénieur, eut l'idée de consulter un de ses anciens professeurs, Jacques Perret, titulaire de la chaire de philologie latine à la Sorbonne.
Celui-ci travailla vaillamment, comme on l'attendait d'un grand maître de son acabit.
Il fit de longues recherches terminologiques, qu'il soumit à IBM :
"Systémateur" serait un néologisme, mais qui ne me paraît pas offensant ; il permet "systémation" ; mais "systémer" ne me semble guère utilisable.
"Combinateur" a l'inconvénient du sens péjoratif de "combine" ; "combiner" est usuel, donc peu capable de devenir technique (...)
"Congesteur", "digesteur" évoquent trop "congestion" et "digestion"
"Synthétiseur" ne me paraît pas un mot assez neuf pour designer un objet spécifique, déterminé comme votre machine.
Que diriez vous d"ordinateur" ? C'est un mot correctement formé, qui se trouve même dans le Littré comme adjectif désignant Dieu qui met de l'ordre dans le monde. Un mot de ce genre a l'avantage de donner aisément un verbe, "ordiner", un nom d'action, "ordination". L'inconvénient est que "ordination" désigne une cérémonie religieuse ; mais les deux champs de signification (religion et comptabilité) sont si éloignés et la cérémonie d'ordination connue, je crois, de si peu de personnes que l'inconvénient est peut-être mineur. D'ailleurs votre machine serait "ordinateur" (et non ordination) et ce mot est tout a fait sorti de l'usage théologique.(...)
En relisant les brochures que vous m'avez données, je vois que plusieurs de vos appareils sont désignés par des noms d'agents féminins (trieuse, tabulatrice). "Ordinatrice" serait parfaitement possible et aurait même l'avantage de séparer plus encore votre machine du vocabulaire de la théologie.
(Extraits de la lettre adressée le 16 avril 1955 à IBM)
IBM France retint le mot ordinateur, sans doute plus prestigieux que le féminin naïvement proposé par le professeur Perret...
Le mot fut facilement et rapidement adopté par les utilisateurs et IBM France décida au bout de quelques mois de le laisser dans le domaine public, alors qu'il voulait au départ le déposer comme marque.
Le mot a été transposé en espagnol (ordenador). D'autres langues romanes ont choisi de construire un néologisme à partir des mots latins calculator et computator : computadora en espagnol d'Amérique latine (pas si sexiste ?), calcolatore en italien, computador en portugais... (c'est bien ça, Angel 3 ?)

(ça, c'est une computadora, ou je me trompe ?)